Lorsque l’URSSAF, à l’issue d’un contrôle, n’émet aucune observation sur une pratique qu’elle a vérifiée, il y a accord tacite de sa part, même si sa position est erronée en droit. Le cotisant peut donc valablement lui opposer cet accord tacite lors d’un contrôle ultérieur, et ainsi échapper à un redressement. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation le 8 juillet 2021.
Accord tacite de l’URSSAF : rappels
Si l’URSSAF, lors d’un précédent contrôle, n’a formulé aucune observation concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, il est possible pour le cotisant contrôlé d’établir qu’elle a implicitement donné son accord à ces pratiques dès lors que (c. séc. soc. art. R. 243-59-7) :
-l’URSSAF a eu l’occasion, au vu de l’ensemble des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause ;
-les circonstances de droit (ex : lois, décrets) et de fait au regard desquelles la vérification de l’URSSAF a eu lieu sont inchangées.
Si l’accord tacite est établi, aucun redressement ne peut avoir lieu.
Une exonération de cotisations qui n’aurait pas dû être appliquée
Dans l’affaire jugée le 8 juillet 2021, une association du secteur sanitaire et social s’était vue notifier, à la suite d’un contrôle URSSAF, un redressement au motif qu’elle avait appliqué à tort l’exonération de cotisations patronales « aide à domicile » prévue à l’article L. 242-10, III du code de la sécurité sociale.
Après avoir été mise en demeure de payer, l’association a contesté le redressement en justice.
Elle faisait valoir que, lors d’un précédent contrôle intervenu 4 ans plus tôt, l’URSSAF n’avait rien trouvé à redire sur le fait qu’elle avait appliqué l’exonération « aide à domicile » sur les salaires de certains de ses salariés. Selon elle, il y avait donc accord tacite de l’URSSAF sur cette pratique, ce qui empêchait tout redressement.
Mais la cour d’appel ne lui a pas donné raison.
Pour les juges du fond, l’URSSAF avait effectivement accordé de manière tacite à l’association le bénéfice de l’exonération lors du contrôle de 2011 et il y avait bien « identité des situations » entre les deux contrôles. Cependant, la position adoptée par l’URSSAF lors du premier contrôle était, selon eux, entachée d’illégalité, l’exonération de cotisations étant inapplicable à l’association. Or, pour la cour d’appel, le principe selon lequel l’absence d’observation de l’URSSAF vaut accord tacite n’a « ni pour objet, ni pour effet de permettre au cotisant contrôlé d’opposer une pratique antérieure intervenue en violation de la loi ».
Pour la Cour de cassation, peu importe la conformité à la loi de la pratique validée par l’URSSAF
La Cour de cassation n’a pas été du même avis et a cassé l’arrêt de la cour d’appel. Elle donne ainsi gain de cause à l’association, qui échappe à un très lourd redressement de près de 700 000 € (hors majorations de retard).
La Haute juridiction commence par rappeler qu’il résulte de l’article R. 243-59-7 du code de la sécurité sociale (art. R. 243-59, dern. al à l’époque des faits) que l’absence d’observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l’organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause, et que le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l’objet d’un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n’ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme.
Puis, elle ajoute qu’en statuant comme elle la fait, la cour d’appel a violé ces dispositions.
Pour la Cour de cassation, la conformité à la loi de la pratique validée par l’URSSAF lors d’un précédent contrôle ne fait donc pas partie des conditions requises pour reconnaître l’existence d’un accord tacite.
En clair, même si l’accord tacite est basé sur une appréciation erronée de la législation par l’URSSAF, il pourra être opposé à cette dernière par le cotisant lors d’un prochain contrôle.
L’URSSAF peut, bien évidemment, modifier la position qu’elle a prise de manière tacite lors d’un contrôle. Mais elle doit notifier sa décision au cotisant (cass. soc. 19 septembre 1991, n° 88-20483, BC V n° 376), et son changement de doctrine ne peut avoir d’effet que pour l’avenir.
En l’espèce, la seule possibilité qui s’offrait à l’URSSAF était donc d’avertir le cotisant de son changement de position via la notification d’observations pour l’avenir.
Cass. civ., 2e ch., 8 juillet 2021, n° 20-16046 FB